dimanche, octobre 5, 2025
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Blackout historique en Espagne et au Portugal : premiers enseignements d’un incident sans précédent

Le 28 avril 2025 à 12 h 33, les systèmes électriques espagnol et portugais ont subi une panne majeure. Selon le rapport factuel publié le 3 octobre par le panel d’experts mandaté au niveau européen, il s’agit du plus grave incident observé sur le système continental depuis plus de vingt ans. Ce document vise à décrire objectivement les faits et la chronologie des événements ; il n’a pas pour objet d’attribuer une responsabilité ni d’établir les causes racines, qui seront traitées dans un rapport final ultérieur.

Une dégradation fulgurante des paramètres du système

D’après la chronologie reconstituée, la période 12 h 32–12 h 33 a été marquée par des déconnexions successives de moyens de production dans plusieurs régions d’Espagne (éolien, photovoltaïque et thermo-solaire notamment), accompagnées d’une hausse de la charge apparente dans certaines zones de distribution. Ces événements ont conduit à des écarts de tension puis à une perte de synchronisme de la péninsule Ibérique avec le reste du système continental. Les interconnexions AC avec la France et le Maroc ont été coupées par protections automatiques, avant l’arrêt des liaisons HVDC, scellant l’effondrement du système ibérique. Le rapport indique que les raisons exactes de plusieurs déclenchements restent à documenter ; certaines coupures sont liées à des seuils de protection (par exemple en surtension), d’autres sont encore non expliquées à ce stade factuel.

Un contexte de variabilité et d’oscillations préalables

La matinée avait été caractérisée par un profil de production renouvelable variable et par des oscillations de puissance/fréquence observées à deux reprises, d’abord de caractère local, puis inter-régional. Les gestionnaires de réseaux ont mis en œuvre des mesures de contrôle de tension (manœuvres topologiques, réglages, gestion de liaisons et shunts) et d’échanges transfrontaliers pour amortir ces oscillations. Si ces actions ont contribué à réduire l’amplitude de certains phénomènes, le système demeurait sensible aux évolutions rapides des flux et des tensions. Le rapport se limite ici à constater les faits mesurés (tensions, fréquences, chronologie des déclenchements) sans conclure sur un déclencheur unique.

Restauration progressive : îlots noirs, interconnexions et coordination

Une fois l’incident enclenché, les gestionnaires de réseaux d’Espagne (RE), du Portugal (REN) et de France (RTE) ont activé leurs plans de défense et de restauration. Plusieurs îlots de redémarrage (black-start) ont été établis en Espagne dans l’après-midi, tandis que le Portugal constituait ses propres îlots. Les interconnexions avec la France ont été mises en service par étapes (notamment Argia–Hernani et Baixas–Vic), facilitant la resynchronisation. La tension continentale a été rétablie au Portugal en début de soirée via une liaison 220 kV, puis l’ensemble du réseau de transport portugais a été restauré à 00 h 22 le 29 avril ; le réseau espagnol l’a été vers 04 h 00.

Un cadre d’enquête structuré, des données encore à compléter

Classé niveau 3 (le plus élevé) par la méthodologie européenne d’échelle d’incident, l’événement a justifié la mise en place d’un panel d’experts européens associant des gestionnaires de réseaux touchés et non touchés, des centres de coordination régionaux, des régulateurs et l’ACER. Le recueil de données a été massif (TSO, DSO, producteurs) mais certaines informations manquent encore, en particulier sur des déclenchements de production avant la panne, ce qui explique que le document diffusé soit factuel et non conclusif. Le rapport final annoncera les causes racines et formulera des recommandations.

Les enjeux mis en lumière : stabilité, tension et services système

Au plan technique, l’incident rappelle la nécessité de conforter les moyens de contrôle de tension et de fréquence, de vérifier les réglages de protections et d’optimiser l’intégration des renouvelables variables au sein d’architectures de système de plus en plus électroniques. Les pistes évoquées de longue date dans le secteur – exigences de performance au raccordement, services système, stockage, flexibilité et coordination transfrontalière renforcée – apparaissent au cœur de la résilience attendue.

Et maintenant ?

Le panel publiera un rapport final avec causes, enseignements et pistes d’amélioration pour éviter la répétition d’un tel événement et renforcer la robustesse du système européen. En attendant, ce premier document invite à la prudence dans l’interprétation : il dresse un état des faits et de la restauration, sans imputation.

Télécharger le rapport…

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