Avocat spécialisé en droit de l’environnement et de l’énergie, Arnaud Gossement a livré, lors de la conférence Tecsol à Energaïa, une intervention sans concession sur le cadre juridique des énergies renouvelables. Un propos volontairement décalé : plutôt que de multiplier les débats techniques sur les normes, les acronymes et les dispositifs réglementaires, il a invité les acteurs du secteur à regarder l’éléphant dans la pièce : la place toujours dominante des énergies fossiles.
« Si l’on veut réinventer les énergies renouvelables, encore faut-il se souvenir pourquoi on les a inventées », a rappelé l’avocat. Dans l’histoire, explique-t-il, leur développement a toujours été une réaction aux risques des énergies fossiles : risques humains dans les mines de charbon, risques économiques lors des chocs pétroliers, risques climatiques aujourd’hui. Or, constate-t-il, le débat public continue de se focaliser sur les conséquences de la combustion des fossiles sans jamais s’attaquer réellement à leur production.
Un paradoxe renforcé par les chiffres. Selon le Fonds monétaire international, rappelle Arnaud Gossement, les États consacrent chaque année environ 7 000 milliards de dollars au soutien direct ou indirect des énergies fossiles. En France, ce soutien représenterait près de 46 milliards d’euros par an, via la fiscalité, les subventions ou les mécanismes de compensation. « On parle sans cesse du coût des renouvelables, mais jamais du coût réel des fossiles : sanitaire, environnemental, agricole, climatique », déplore-t-il.
Un cadre juridique construit à l’envers
Pour Arnaud Gossement, la fragilité du droit des énergies renouvelables tient à cette contradiction initiale. « On cherche à simplifier, ajuster, bricoler le cadre juridique, sans jamais se mettre d’accord sur l’objectif fondamental : réduire la place des énergies fossiles. » Résultat : une instabilité réglementaire permanente, illustrée par les réformes successives de la solarisation des bâtiments et des parkings ou par la complexité croissante du cadre de l’agrivoltaïsme.
Sur ce dernier point, l’avocat parle même de « rendez-vous manqué ». Partie d’une bonne idée, la réglementation agrivoltaïque s’est fragmentée en une multitude de textes – lois, décrets, arrêtés – modifiés à répétition. « Comment un agriculteur peut-il s’engager sereinement quand il ne sait pas si ce qui est autorisé aujourd’hui le sera encore demain ? », interroge-t-il, appelant à une stabilisation du droit fondée sur un consensus politique clair.
Fossiles invisibles, renouvelables visibles
Arnaud Gossement insiste aussi sur une dimension souvent négligée : l’acceptabilité sociale. Si les énergies renouvelables suscitent des oppositions, c’est aussi parce qu’elles sont visibles. « L’éolienne, on la voit. Le puits de pétrole, non. Le nucléaire, très peu. » Cette invisibilité des fossiles entretient l’illusion de leur innocuité, alors même qu’ils pèsent lourdement sur la souveraineté énergétique et la santé publique.
À l’inverse, l’avocat invite à changer le regard porté sur les installations renouvelables, à les considérer non comme des contraintes mais comme des solutions collectives auxquelles chacun peut être fier de contribuer : via l’investissement participatif, les projets territoriaux ou l’action politique locale. « Les maires ont des compétences clés en matière d’énergies renouvelables. Les prochaines élections municipales sont une occasion de leur poser une question simple : que faites-vous pour sortir notre territoire de la dépendance aux fossiles ? »
Réviser les objectifs avant les outils
En conclusion, Arnaud Gossement appelle à remettre la hiérarchie des priorités à l’endroit. Les objectifs du droit français de l’énergie, rappelle-t-il, sont aujourd’hui obsolètes : alors que l’Union européenne vise une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre, le code de l’énergie français reste fondé sur un objectif de 40 %. « On discute de la PPE alors que l’objectif même qu’elle est censée atteindre n’est plus à jour », observe-t-il.
Son message est clair : tant que le débat public ne portera pas frontalement sur le coût réel et la nécessité de réduire les énergies fossiles, le cadre juridique des renouvelables restera fragile et contesté. « Arrêtons de parler uniquement du coût des renouvelables. Parlons du coût humain, sanitaire et climatique des fossiles. Alors, l’intérêt des énergies renouvelables apparaîtra pour ce qu’il est : une évidence. »





