Les dernières projections de RTE ont suscité de nombreuses réactions, certains y voyant un signal de « pause » du solaire. Pourtant, une lecture attentive du rapport montre que la réalité est plus nuancée : loin de désavouer la filière, RTE confirme au contraire que le photovoltaïque demeure essentiel à la trajectoire de décarbonation, mais qu’il doit être accompagné d’un pilotage fin pour tenir compte d’un épisode ponctuel de surcapacité.
Un contexte exceptionnel, pas un changement de paradigme
L’excédent actuel d’environ 120 TWh résulte de trois facteurs conjoncturels :
- le retour à la normale du parc nucléaire après la crise de corrosion,
- la remontée de l’hydraulique après le creux de 2022,
- et la faiblesse prolongée de la consommation électrique.
Rien n’indique que cette situation perdurera. RTE lui-même rappelle que la demande repartira fortement dès que les projets industriels bas carbone se concrétiseront, notamment ceux déjà titulaires de droits d’accès au réseau.
Autrement dit, nous traversons un plateau temporaire, et non une inversion structurelle.
Les risques d’actifs échoués sont limités et gérables
Si RTE alerte sur un rythme de 5 à 7 GW/an (scénario R4), les projections montrent surtout que :
- même avec des prix négatifs plus fréquents, les parcs solaires continuent de fonctionner entre 15 et 20 % du temps,
- les pertes liées aux arrêts de production ne représentent que 2 points de disponibilité,
- en 2026, les performances attendues sont similaires à celles de 2024-2025.
Le vrai message est ailleurs : la France doit mieux orchestrer les flexibilités (stockage, pilotage, autoconsommation), non moins développer le solaire.
RTE écarte explicitement l’option d’un ralentissement massif
Le scénario R1 (1 GW/an) est jugé dangereux : il réintroduirait des risques de pénurie et augmenterait les coûts du système, comme en 2022.
À l’inverse, les scénarios R2 et R3 (2,5 à 3,5 GW/an) montrent que le solaire reste un pilier du mix électrique.
Surtout, RTE insiste sur un point clé : accélérer l’électrification est trois fois plus efficace économiquement que ralentir le solaire.
Le ralentissement éventuel n’est donc ni un choix souhaitable, ni un choix stratégique, mais un simple réglage transitoire lié à la conjoncture.
Préserver la filière : un impératif industriel
La filière solaire représente des milliers d’emplois et une part croissante de la réindustrialisation française. RTE lui-même appelle à éviter les « stop and go », incompatibles avec les investissements et les relocalisations en cours.
Le risque serait donc moins l’excès d’investissement que l’affaiblissement de la chaîne de valeur, au moment même où l’Europe reconstruit une industrie solaire stratégique.
Conclusion : ajuster sans freiner
Le solaire n’est ni en excès ni en surcapacité structurelle. Le défi n’est pas de ralentir, mais de mieux intégrer : stockage, réseaux, pilotage, autoconsommation, flexibilité industrielle.
Le cœur du message de RTE n’est pas une mise en garde contre le solaire, mais un appel à préparer la prochaine phase : celle où l’électricité décarbonée sera la colonne vertébrale de l’économie française.





