samedi, octobre 18, 2025
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Après le solaire et l’éolien, la révolution du stockage est en marche

Face à la progression rapide des énergies renouvelables variables, les batteries à grande échelle émergent comme un pilier stratégique des réseaux électriques modernes. L’article du Financial Times met en lumière comment ces « méga-batteries » viennent combler les déficits, stabiliser les réseaux et prolonger l’intégration des renouvelables.

Californie : le déclic du blackout

En août 2020, la Californie a connu des coupures de courant généralisées lors d’un pic de chaleur, affectant plus de 800 000 foyers pendant jusqu’à deux heures et demie. Cet événement a servi de signal d’alarme : le réseau, dépendant d’une production renouvelable de plus en plus fluctuante, avait besoin de stocks d’électricité pour éviter le recours systématique aux centrales fossiles.

Depuis, la capacité de stockage par batteries de l’État a triplé, atteignant 13 GW, avec des projets visant à ajouter 8,6 GW supplémentaires d’ici 2027. La stratégie consiste à capter l’énergie solaire excédentaire durant la journée pour la restituer le soir, quand la demande et les prix grimpent.

Croissance mondiale : du gigaoctet au térawattheure

La capacité mondiale de stockage par batteries est aujourd’hui en pleine explosion : elle devrait progresser de 67 % pour atteindre 617 GWh en 2025, avec un objectif de multiplication par dix d’ici 2035. Le marché est largement dominé par les États-Unis et la Chine, qui représentent près de 70 % des projets par capacité. Mais d’autres régions — Australie, Royaume-Uni, Arabie saoudite — multiplient les annonces d’installations.

À l’origine de cette dynamique : la chute spectaculaire des coûts. Le coût des systèmes de stockage a été réduit de moitié en deux ans selon Benchmark Mineral Intelligence, tandis que les batteries lithium-ion ont perdu 90 % de leur prix depuis 2010.

Modèles économiques et services réseau

Les méga-batteries disposent d’un avantage clé : la flexibilité. Elles achètent l’électricité quand les prix sont bas, stockent l’énergie, puis la revendent lors des périodes de forte demande, captant ainsi la différence de prix (arbitrage). En complément, elles participent aux services de soutien du réseau (réponse à la fréquence, réserve, redémarrage en cas de panne).

Dans certains marchés européens, les opérateurs peuvent être rémunérés pour leur disponibilité à stabiliser le réseau. En Espagne, par exemple, le gouvernement travaille à ouvrir la voie à une rémunération des batteries pour la stabilisation de la tension, un service crucial en cas de coupure.

Innovations et diversification technologique

Alors que les batteries lithium-ion dominent encore le secteur, de nouvelles chimies gagnent du terrain : les batteries sodium-ion, les systèmes à flux (flow batteries), ou d’autres technologies à longue durée sont en cours de développement.

Tesla, par exemple, a lancé « Megablock », un système préfabriqué de grande envergure qui permettrait d’installer 1 GWh en 20 jours ouvrables, avec une réduction des coûts de construction de l’ordre de 40 %. D’autres concurrents chinois, comme BYD, commercialisent des systèmes à rendement plus élevé.

Contraintes réglementaires et logistiques

Malgré l’essor, des obstacles subsistent. Les délais de raccordement au réseau sont souvent très longs, avec des files d’attente dépassant les 100 GW dans plusieurs pays. Les règles du marché sont encore mal harmonisées : certains pays imposent des doubles redevances (charges à l’entrée et à la sortie de réseau), ce qui freine l’investissement.

Les opérateurs recherchent des contrats « tolling » (où l’exploitation de la batterie est confiée à un tiers en échange d’un tarif fixe) pour réduire les risques.

Sur le plan sécuritaire, les batteries doivent intégrer des systèmes de prévention des incendies plus robustes : un incident à Moss Landing (Californie) a déclenché l’évacuation de plus de 1 000 habitants. Toutefois, les incidents restent rares et les technologies de protection progressent.

L’ère des réseaux flexibles

Selon l’article du FT, la révolution énergétique ne passera plus seulement par l’installation de capacité renouvelable, mais par l’intégration de la flexibilité : la capacité à stocker et piloter l’électricité.

Les méga-batteries transforment la définition même de la sécurité énergétique : ce ne sont plus les stocks de carburant qui comptent, mais les gigawattheures stockables. Dans ce nouveau paradigme, les batteries sont devenues des infrastructures essentielles — l’épine dorsale invisible de la transition.

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