À Sydney, lors de l’Australian Clean Energy Summit 2025, Tesla a envoyé un signal fort au marché du stockage. « Je ne pense pas que nous vendrons une autre batterie en Australie qui ne soit pas grid-forming », a déclaré Shane Bannister, responsable business development & sales Megapack pour l’Asie-Pacifique. Le message entérine un basculement : les systèmes de stockage « suiveurs de réseau » (grid-following) cèdent la place aux batteries capables de stabiliser activement le système électrique.
Le propos s’inscrit dans une dynamique déjà visible chez d’autres industriels. Rob Hills, vice-président de Fluence, présent au même rendez-vous, anticipe que le grid-forming restera une tendance lourde du National Electricity Market (NEM). Pour ses dirigeants, l’enjeu n’est pas d’opposer batteries grid-forming et condensateurs synchrones, mais de combiner les deux selon les besoins de stabilité locaux (inertie, tension, court-circuit).
Concrètement, une batterie grid-forming se comporte comme une « source » de réseau : elle fixe sa propre référence de tension et peut synchroniser ou opérer de façon autonome, tout en fournissant une « inertie synthétique » qui aide à maintenir la fréquence. En Australie, l’essor de ces fonctions est soutenu par des financements de l’Agence ARENA, qui coiffe un portefeuille de projets de grande taille en mode grid-forming, en construction ou en rétrofit.
Côté réseau, l’opérateur de transport Transgrid vient de finaliser un plan « système » misant explicitement sur ces technologies. Le cœur de la stratégie en Nouvelle-Galles du Sud : installer 5 GW de batteries grid-forming d’ici 2032/33 et déployer dix compensateurs synchrones sur l’ossature du réseau, afin de sécuriser la force de court-circuit, l’inertie et la tenue de tension au rythme de la sortie du charbon.
Pour l’AEMO, le gestionnaire du marché et du système, ces batteries de nouvelle génération répondent à une large partie des caractéristiques essentielles d’un système à forte part de renouvelables — mais pas à toutes. D’où la nécessité d’un mix d’actifs : batteries grid-forming, comdensateurs synchrones, renforcement de réseau et pilotage de la demande. Le calendrier des fermetures de centrales impose d’accélérer ce déploiement coordonné.
La position de Tesla pourrait accélérer l’établissement d’un « standard de fait » : les développeurs, pour optimiser l’accès au réseau et la bancabilité, auront intérêt à spécifier dès l’origine des onduleurs grid-forming. En parallèle, les gestionnaires de réseau raffinent les exigences techniques (stabilité en défaut, contributions en tension/fréquence, modes îlotés). Au-delà de l’Australie, ce virage sera scruté par les marchés européens et nord-américains confrontés aux mêmes défis de stabilité. Si l’Australie est souvent le banc d’essai des solutions d’intégration des ENR, l’annonce de Tesla confirme que l’ère des batteries « passives » touche à sa fin.