Chercheur énergie-climat et auteur de Climat, Les énergies de l’espoir, Cédric Philibert a livré à Energaïa une intervention résolument optimiste sur la trajectoire mondiale des énergies renouvelables, tout en appelant à lever sans tarder les freins qui subsistent en France, notamment sur l’éolien et l’électrification des usages.
Dans un contexte international marqué par les tensions géopolitiques et les conflits, les énergies renouvelables peuvent-elles devenir des « énergies de paix » ? Pour Cédric Philibert, la dynamique engagée est en tout cas sans précédent. « Le solaire et l’éolien sont aujourd’hui les deux piliers de la transition énergétique mondiale », a-t-il rappelé, soulignant leur croissance spectaculaire. Après être restée durablement autour de 20 % de la production mondiale d’électricité, la part des renouvelables est passée à 30 % en 2022. Elle pourrait atteindre 40 % d’ici quelques années et 50 % autour de 2032-2033.
Le solaire joue un rôle central dans cette accélération. « Il a fallu près de 70 ans pour installer le premier térawatt de solaire dans le monde. Le deuxième a été installé en deux ans », souligne le chercheur. Là où le monde installait 1 GW par an au début des années 2000, il en installe désormais plus de 1,7 GW… chaque jour. « Cette croissance est tout simplement inarrêtable », affirme-t-il.
L’électrification, clé de la décarbonation
Cette électricité renouvelable décarbonée constitue, selon Cédric Philibert, la condition indispensable pour décarboner le reste de l’économie. Aujourd’hui, l’électricité ne représente qu’environ 20 % de l’énergie finale consommée. Les 80 % restants reposent encore largement sur les combustibles fossiles. « Il faut utiliser cette électricité pour chasser les fossiles des bâtiments, des transports et surtout de l’industrie », insiste-t-il.
Les premiers résultats sont visibles à l’échelle mondiale. En Chine, les émissions de CO₂ sont stables depuis plus d’un an et demi, signe que le pic est probablement atteint. L’Europe et les États-Unis ont déjà dépassé ce pic, tandis que des pays encore très dépendants du charbon, comme l’Inde ou le Vietnam, amorcent eux aussi un tournant.
En France, un faux débat sur le « trop d’électricité »
Revenant sur la situation française, Cédric Philibert balaie l’idée selon laquelle le pays produirait « trop d’électricité ». Certes, le parc nucléaire confère à la France une situation particulière, mais « il vaut mieux un léger surplus d’électricité décarbonée que la pénurie ». La crise de 2022 a montré le coût exorbitant du manque d’électricité, avec un doublement des importations d’énergies fossiles.
S’appuyant sur les projections de RTE à l’horizon 2035, il estime que le véritable problème réside aujourd’hui dans le retard de l’électrification. Véhicules électriques, pompes à chaleur, procédés industriels électrifiés : les projets existent, les demandes de raccordement affluent, mais le passage à l’échelle reste trop lent.
Un appel à accélérer les renouvelables, notamment l’éolien
Pour le chercheur, ralentir le développement des renouvelables serait une erreur stratégique, d’autant plus que le parc nucléaire français, vieillissant, pose de lourds enjeux de maintenance et de coûts. « On ne sait ni prolonger indéfiniment les réacteurs, ni construire de nouveaux réacteurs dans des délais et des budgets maîtrisés », observe-t-il.
S’il se dit confiant sur le solaire, renforcé demain par l’arrivée de nouvelles technologies de batteries, Cédric Philibert se montre plus inquiet sur l’éolien, en particulier terrestre. « Dans un pays tempéré comme la France, il faut environ deux fois plus d’électricité éolienne que solaire pour passer l’hiver », rappelle-t-il. Sans éolien et sans réseaux adaptés, la transition restera incomplète.
Son message est sans ambiguïté : pour réussir la décarbonation, la France doit accélérer, et non freiner, le développement des énergies renouvelables.
