
L’Europe enchaîne les épisodes de prix de l’électricité à zéro, voire négatifs, un phénomène devenu courant et non plus exceptionnel. Cette inversion de marché — où des producteurs paient pour injecter leur électricité — s’étend à plusieurs pays et met à l’épreuve les modèles économiques de la transition énergétique.
Selon le Financial Times, l’explosion des capacités éoliennes et solaires, dopée par des subventions généreuses, coïncide avec une demande léthargique et des parcs de production encore peu flexibles. Dans ces conditions, arrêter et redémarrer certaines unités coûte parfois plus cher que de vendre à prix négatif ; ailleurs, les schémas de soutien incitent malgré tout à produire, au risque d’inefficacités (curtailment payé, « primes » déconnectées du signal prix).
L’Espagne offre l’exemple le plus frappant : la montée fulgurante du solaire y a entraîné une multiplication des heures à prix nuls ou négatifs et des coupures de production, tout en refroidissant l’appétit de certains investisseurs. Les autorités assurent qu’il s’agit d’une phase transitoire, mais admettent que le réseau et le stockage n’ont pas suivi le rythme des raccordements.
Le phénomène n’est pas né en 2025 : déjà l’an dernier, le FT relevait un record de 7 841 heures de prix négatifs sur les huit premiers mois en Europe, signe d’une tendance lourde de « cannibalisation » des revenus des actifs renouvelables marchands. Les analystes de Fitch ont depuis averti que la fréquence de ces épisodes augmente l’exposition des projets dépendants du marché, renforçant l’intérêt pour les PPA et les solutions de flexibilité co-localisées.
Que faire ? Les enseignements avancés par le FT convergent : accélérer les investissements « système » (lignes de transport longues distances, interconnexions, et stockage), ajuster les régimes de soutien pour qu’ils n’encouragent pas la production en période d’excédent, et développer la flexibilité côté demande (tarification dynamique, pilotage industriel, recharge intelligente). À moyen terme, la montée d’usages électro-intensifs — véhicules électriques, data centers — pourrait aider à résorber les creux, mais seulement si les réseaux et les règles du marché s’adaptent.
En clair, l’Europe ne manque pas d’électricité « verte » aux heures ensoleillées et ventées ; elle manque d’un cadre technique et économique capable d’orchestrer l’abondance. Tant que l’infrastructure et la régulation ne seront pas recalibrées, les prix négatifs continueront de dérouter les investisseurs… et de nourrir le procès en « marché à l’envers ».
Sources : Financial Times ; Fitch Ratings (note sectorielle).