Invité sur LCI, le président-directeur général de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, a livré une analyse sans détour de la domination chinoise dans les technologies de la transition énergétique. Un avertissement sérieux pour l’Europe, qu’il accuse d’avoir « perdu la bataille industrielle » faute de vision stratégique cohérente.
La Chine, quinze ans d’avance et une stratégie assumée
Pour Patrick Pouyanné, la supériorité chinoise ne doit rien au hasard. « Depuis quinze ans, les Chinois ont construit une puissance industrielle dans les batteries, les panneaux solaires, les éoliennes ou les voitures électriques », explique-t-il. À l’origine, une motivation simple : ne plus dépendre d’un pétrole à 120 dollars le baril, comme en 2010.
Cette stratégie s’est traduite par :
- 50 % des capacités d’énergie renouvelable installées dans le monde sont aujourd’hui situées en Chine,
- un immense marché intérieur,
- la constitution de filières complètes, de l’extraction des terres rares jusqu’à la fabrication finale des composants.
« Ils ont investi tôt, de manière intégrée, avec une vision globale de la chaîne de valeur », insiste-t-il.
L’Europe, entre aveuglement et choix politiques coûteux
Patrick Pouyanné pointe ensuite les erreurs stratégiques européennes, notamment dans le solaire. TotalEnergies exploitait encore des usines photovoltaïques en France lorsqu’il a pris ses fonctions. « À l’époque, il y avait des taxes douanières. Quand elles ont été levées, je suis allé à Bruxelles et à Paris pour alerter : si vous supprimez ces protections, nos usines ne survivront pas. On m’a répondu que ce serait bon pour le consommateur, car les panneaux chinois étaient moins chers », raconte-t-il.
Résultat : la fermeture progressive des sites européens et une dépendance quasi totale vis-à-vis de l’Asie.
Pour lui, le choix européen depuis trente ans est clair : favoriser le consommateur plutôt que l’industrie, en privilégiant les prix bas au détriment de l’outil productif.
« Ce sont les produits chinois qui ont permis de maîtriser l’inflation en Europe et aux États-Unis », rappelle-t-il.
Deux options pour réagir : JV obligatoires ou fermeture des frontières
Face à cette situation, Patrick Pouyanné propose d’accueillir les industriels chinois, mais sous conditions :
- les entreprises chinoises pourraient s’implanter en Europe,
- mais via des coentreprises 50/50 avec des acteurs européens,
- avec transfert de technologies et création d’emplois locaux.
« La question est de savoir si l’Europe a vraiment les moyens de fermer les frontières tout en protégeant les citoyens », interroge Patrick Pouyanné.
Un avertissement politique clair
En filigrane, le patron de TotalEnergies pointe la nécessité d’un choix stratégique assumé par l’Union européenne. Sans une politique industrielle capable d’intégrer toute la chaîne de valeur – et pas seulement de soutenir la consommation – l’Europe risque de s’installer durablement dans une dépendance énergétique et technologique structurelle.
