Au Forum Energaïa, Jean-Yves Grandidier, président de Valorem, a livré une analyse sans détour de la profonde mutation que traverse aujourd’hui le métier de développeur d’énergies renouvelables. Loin du modèle historique fondé sur l’obligation d’achat et des contrats sécurisés sur vingt ans, les producteurs sont désormais confrontés à une réalité bien plus complexe : vendre leur électricité sur le marché, gérer la variabilité de la production et créer de la valeur dans un environnement concurrentiel.
« Il y a encore quelques années, développer un projet consistait essentiellement à sécuriser du foncier, obtenir les autorisations et signer un contrat avec EDF. Aujourd’hui, nous sommes devenus de véritables énergéticiens », a résumé le dirigeant. Cette transformation impose, selon lui, de repenser en profondeur les modèles économiques afin de mieux synchroniser production et consommation, et d’optimiser la valeur de l’électricité renouvelable.
Une électrification freinée par la fiscalité
Jean-Yves Grandidier a insisté sur un paradoxe français : alors que la décarbonation passe par l’électrification des usages — notamment dans les transports et la chaleur industrielle — la fiscalité continue de pénaliser l’électricité par rapport aux énergies fossiles. « Aujourd’hui, la taxation de l’électricité en France, au regard des émissions de CO₂, est jusqu’à onze fois plus élevée que celle du gaz », a-t-il dénoncé, soulignant que cette situation freine le développement de modèles économiques compétitifs pour la chaleur renouvelable et le stockage thermique.
Plus grandes éoliennes, moins nombreuses
Autre levier clé : l’acceptation d’éoliennes de plus grande puissance. Valorem a récemment installé une éolienne de 5,5 MW, dotée d’un rotor de 162 mètres, la plus puissante de France. Selon les calculs présentés, passer à des machines dépassant les 200 mètres permettrait de réduire le coût de production de l’électricité de 14 €/MWh sur un même site. « L’impact visuel tient davantage au nombre d’éoliennes qu’à leur taille », a-t-il affirmé, plaidant pour franchir ce « plafond de verre » afin d’atteindre les objectifs énergétiques avec moins de machines, donc moins d’artificialisation et de conflits d’usage.
Des projets solaires plus grands pour baisser les coûts
Même logique pour le solaire : limiter artificiellement la taille des projets accroît mécaniquement les coûts. « Un projet de 5 MW coûte jusqu’à 10 €/MWh de plus qu’un projet de 15 MW », a rappelé Jean-Yves Grandidier, appelant à permettre des installations de plus grande taille pour mieux amortir les coûts fixes et réduire la facture finale.
Stockage et responsabilité face à la variabilité
Enfin, le président de Valorem a mis en avant le rôle central du stockage pour mieux gérer la variabilité — et non l’« intermittence », terme qu’il récuse — des renouvelables. Selon ses calculs, un projet hybride combinant production et quatre heures de stockage permettrait d’augmenter la valeur captée de près de 20 €/MWh, tout en réduisant de 20 % le coût du soutien public. « Dans certaines situations, ce sont alors les producteurs qui reversent de l’argent à l’État », a-t-il souligné.
Pour Jean-Yves Grandidier, les solutions existent : stockage, éoliennes plus performantes, projets solaires optimisés et cadre réglementaire incitatif. Autant de pistes pour « réinventer les énergies renouvelables » et en faire non seulement un outil de décarbonation, mais aussi un levier durable de compétitivité pour l’économie française.





