Un scénario réintégré, des motivations « politiques »
Précédemment, il y a deux ans, l’AIE avait évoqué un pic de la demande de tous les fossiles (pétrole, charbon, gaz) dans la décennie, à rebours des prévisions de l’industrie pétrogazière.
Dans le scénario le plus conservateur présenté mercredi, celui basé sur les politiques actuelles, la demande de charbon commence à se replier avant la fin de cette décennie, mais celle de pétrole et de gaz continue à croître jusqu’en 2050.
Pour cette édition, l’AIE a ressuscité ce scénario, qu’elle avait abandonné en 2020, dans le contexte d’un élan global vers la transition énergétique motivé par des enjeux climatiques et de souveraineté.
Pour Rachel Cleetus, de l’Union of Concerned Scientists, interrogée à Belem où se tient la conférence internationale COP30 sur le climat, il « n’est pas représentatif de la réalité de l’accélération (de la transition) dans le monde, ses motivations sont politiques ».
Menaces américaines
Filiale de l’OCDE, l’Agence est aujourd’hui dans le collimateur de la très pro-pétrole et climatosceptique administration Trump. « Nous réformerons le fonctionnement de l’AIE ou nous nous retirerons », avait averti en juillet le secrétaire américain à l’Énergie Chris Wright, dans une interview à Bloomberg.
L’institution, créée en 1974 pour aider les pays riches à affronter le choc pétrolier, a produit depuis les années 2020 des scénarios décrivant un déclin des énergies fossiles, et modélisé le chemin à suivre pour atteindre en 2050 la neutralité carbone nécessaire pour freiner le réchauffement.
Pour ce nouveau rapport très scruté, l’AIE précise que les trois voies explorées « ne sont pas des prévisions » : « il n’y a pas de scénario unique en matière d’avenir de l’énergie ».
Ces trois « scénarios illustrent les points de décision clés à venir, et fournissent un cadre de discussion basé sur des chiffres, sur la façon d’avancer », souligne le directeur de l’Agence, Fatih Birol, dans un communiqué.
Mais si la sécurité énergétique est la préoccupation centrale de nombreux gouvernements, « leurs réponses doivent prendre en considération les synergies et compromis pouvant surgir d’autres objectifs — accessibilité, compétitivité, changement climatique », ajoute-t-il.
« Deux sujets critiques »
Le rapport, qui appelle à la coopération et des efforts concertés, aborde de fait bien des enjeux : le boom de la demande d’énergie, et en particulier l’essor de l’électricité, les défis de l’approvisionnement en métaux critiques…
Et surtout, sur « deux sujets critiques, le monde est en deçà des objectifs qu’il s’est fixés, insiste-t-il : l’accès universel à l’énergie et le changement climatique », note l’AIE. Quelque 730 millions d’humains vivent sans électricité.
Quant au climat, les trois scénarios entraîneront le monde au-delà de 1,5°C de réchauffement, annonciateur d’impacts majeurs. Seul le scénario neutralité carbone permettrait, à plus long terme, de revenir sous ce seuil, souligne l’AIE, qui relève que 2024 a été l’année la plus chaude enregistrée.
En attendant, le secteur de l’énergie « devra se préparer aux risques générés » notamment par des températures accrues. Selon l’AIE, plus de 200 millions de foyers ont subi en 2023 des dysfonctionnements liés aux infrastructures, à 85% des incidents sur les lignes et réseaux.





