Depuis le 1er octobre, un vent d’inquiétude souffle sur la filière solaire résidentielle. Alors que l’arrêté du 8 septembre, entré en vigueur début octobre, introduisait une TVA réduite à 5,5 % pour les installations photovoltaïques très bas carbone de moins de 9 kWc équipées d’un pilotage énergétique, la Direction générale des Finances publiques (DGFiP) aurait, selon des échanges récents avec Enerplan, remis en question l’existence même du taux de 10 % jusque-là applicable à de nombreux projets d’autoconsommation.
Une interprétation qui bouleverse quinze ans de pratique
Depuis 2007, le taux de TVA à 10 % s’appliquait aux travaux d’amélioration de l’habitat ancien, y compris pour les installations solaires en autoconsommation totale, dans la limite de 3 kWc (présomption d’absence de livraison au réseau). Cette règle, issue du rescrit 2007/50 et de l’article 279-0 bis du Code général des impôts, avait été confirmée à plusieurs reprises.
Or, vendredi soir, la DGFiP aurait précisé à Enerplan que ce régime ne s’appliquerait plus.
Désormais, seuls deux cas de figure seraient admis :
- 20 % : taux de droit commun pour toutes les installations ne remplissant pas les conditions spécifiques ;
- 5,5 % : pour les systèmes ≤ 9 kWc répondant aux nouveaux critères “très bas carbone” (empreinte ≤ 530 kg CO₂eq/kWc, modules à faible teneur en argent et sans plomb ni cadmium) et intégrant un système de pilotage énergétique.
Autrement dit, le taux intermédiaire de 10 %, pourtant historique pour le solaire résidentiel, aurait purement et simplement disparu.
Un casse-tête juridique et commercial
Cette interprétation soulève une double contradiction.
D’abord de fond : supprimer le taux réduit sur l’autoconsommation totale va à l’encontre des objectifs de sobriété et de décarbonation fixés par l’État lui-même, notamment dans la future Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
Ensuite opérationnelle : de nombreux installateurs ont continué, en toute bonne foi, à émettre des devis à 10 % depuis le 1ᵉʳ octobre, sans être informés d’un éventuel changement. Si la lecture de la DGFiP se confirmait, ces devis deviendraient non conformes, y compris pour les petites installations résidentielles.
Enerplan réclame un rescrit clarificateur
Le syndicat des professionnels de l’énergie solaire, Enerplan, a demandé à Bercy une clarification immédiate. Un rescrit officiel doit paraître au Bulletin officiel des impôts (BOI) dans les prochains jours afin de confirmer, ou non, cette nouvelle interprétation.
L’organisation professionnelle insiste sur la nécessité de garantir une stabilité fiscale :
« Les installateurs ont agi de bonne foi en appliquant les règles en vigueur depuis 2007. Il n’est pas question qu’une bonne nouvelle — la création du 5,5 % — se transforme en restriction rétroactive. »
Attente et prudence sur le terrain
En attendant la publication du rescrit, Enerplan recommande aux entreprises de :
- faire preuve de prudence dans la rédaction de leurs devis,
- conserver les échanges et justificatifs réglementaires,
- informer les clients de la situation transitoire.
Une chose est sûre : si la suppression du 10 % se confirmait, la mesure risquerait d’être perçue comme une incohérence politique, en contradiction avec les ambitions affichées du gouvernement pour accélérer le solaire résidentiel.
La filière attend désormais des explications rapides et une concertation ouverte : on ne bâtit pas une transition énergétique durable en modifiant les règles fiscales du jour au lendemain.